Les Portraits

Des Avions et des Hommes

Une association ne peut exister sans la participation active d'Hommes et de Femmes passionnés. Pilotes ou non, professionnels ou amateurs éclairés, tous et toutes participent à la sauvegarde de ce patrimoine aéronautique hors du commun. Retrouvez dans cette rubrique quelques portraits de ces passionnés de l'Aviation de Brousse.

Louis Adrien SEMUR - 11 août 1907 - 12 juillet 1928

Louis-Adrien SEGURJe ne sais pas si ce gamin de 5 ans a assisté au 1er Meeting de Couhé Vérac le 15 Décembre 1912, mais la renommée de ces aviateurs, lui ont certainement donné l’envie de devenir pilote.

Le Meeting du 15 Décembre ne restera pas dans les annales mais l’aviateur LANDRY, très connu dans la Vienne, exécute malgré le mauvais temps, de superbes vols et est porté en triomphe par ses supporters.

Ce qui est sûr, c’est que quelques années plus tard, Louis Adrien SEMUR , né à Payré de Louis SEMUR et de Clémentine HUGAULT, demande une bourse de pilotage à l’armée. En effet l’armée recrutait des pilotes juste après la guerre car on avait pris conscience de la valeur stratégique de l’aviation. L’aviation bénéficiait d’un certain prestige et les cocardes sur les ailes alimentaient cet esprit bien français.

Louis Adrien (matricule 1126) obtint son brevet de pilote militaire en 1926 à l’âge de 18 ans. Il fait partie du 3ème régiment de Chasse basé à Chateauroux -La Martinerie. Il sera affecté plus tard au 22ème régiment aérien de Chartres-Champol. Il vole sur un Gourdou-Leseurre LGL 32 (LGL pour Loire-Gourdou- Leseurre).


C’est un chasseur de type monoplan dérivé du GL-31. Il fût construit pour participer à une compétition de l’Aéronautique militaire en 1923. Gourdou-Leseurre LGL.32

Le prototype vola en 1925 et en Janvier 1927 la première commande pour 20 machines de pré-séries fût obtenue. Il fût utilisé par l’Armée de l’Air comme chasseur jusqu’en 1934 et utilisé pour l’entraînement  de mécaniciens jusqu’en 1936. Le LGL-32 est un monoplan monoplace monomoteur, à aile parasol et train fixe construit en bois et métal entoilé. Il est équipé d’un moteur en étoile Gnome-Rhône Jupiter de 420 ch.

Description du LGL.32

Il possédait une bonne maniabilité et une vitesse ascensionnelle intéressante. Mais quelques défauts étaient problématiques, comme la fragilité des atterrisseurs à amortisseurs, une vitesse un peu juste et une certaine instabilité. Il fût construit à 479 exemplaires dont 384 pour l’Aéronautique Militaire française, 15 pour l’Aviation Maritime et le reste à l’exportation pour la Roumanie, l’Espagne et la Turquie.

Épave du LGL.32 de Louis-Adrien SEMURLe 12 Juillet 1928, le Sergent Louis Adrien se tua lors de manœuvres dans la région de Chartres, à bord de son LGL-32. Un monument lui est consacré au cimetière de Couhé. On peut y découvrir son portrait ainsi que son avion.







Il fait partie de ces très nombreux pilotes qui donnèrent leur vie pour  que l’aviation progresse dans ce que nous connaissons aujourd’hui et ouvrir  la voie à de nombreux pilotes dont certains descendent de la famille HUGAULT mère de Louis Adrien SEMUR.

Jean GARCIA

Couhé, Mai 2022

Détail du monument dédié à Louis-Adrien SEMURMonument dédié à Louis-Adrien SEMUR au cimetière de Couhé






Alain Girard en mode "Bush Repair"

Alain GIRARD en mode Bush Repair


Il est tôt ce 30 Avril, et le Broussard F.GJAC se dirige vers Niort pour des parachutages d’entraînement.

Tout « baigne dans l’huile » jusqu’à ce que l’approche de Poitiers nous dise ne pas recevoir notre transpondeur.

Pas idéal pour des largages à deux machines sur une même zone…

Avec ce soleil de face, mon atterrissage n’est pas parfait, la journée s’annonce mal…

Au parking, Alain fait le tour de l’appareil, le diagnostic tombe : l’antenne a disparu, victime d’un caillou ou d’un coup de balai maladroit…

-  C’est moins grave que je pensais, dit-il.

-  Je vais en fabriquer une autre, mieux encore, je vais prélever l’antenne inférieure de la VHF qui est inopérante et la mettre à la longueur requise.

Quelques palabres plus tard, avec le mécanicien du club, l’antenne est amputée à 50 mm de l’embase et connectée au transpondeur.

Au premier parachutage, Poitiers nous confirme que le transpondeur est OK.

J’aime cette aviation où l’humain est au centre de la sphère, où l’équipage est en mesure de peser sur le futur, à l’opposé du monde qu’on nous prépare.

Alain HUGAULT



François Susky, le pilote qui dessinait la Guyane

Un film de Bernard COLLET consacré au pilote de brousse François Susky.

L'authentique parcours d'un pilote de Broussard - Épisode 2

IV. Les parachutages

À côté de la base, en direction des abattoirs de Farcha, il y avait une unité para (une grosse compagnie) ; les personnels sautaient une fois par mois soit d'un Dakota de l'unité basée à Lamy, soit d'un Nord 2501 lors de son passage sur la base. Les cadres au nombre de trois (le patron un SLT, le second un Adjudant et un SGC), prenaient un Broussard pour sauter de 1500 ou 2000 mètres.

J'ai commencé les parachutages après 450 heures de vol sur l'avion, en avril 1962.

Un jour, le second me dit: « je vais te montrer quelque chose: après mon saut, tu descends en spirales et tu te poses court ». 

Nous sommes tous les deux à bord, montée à 2000 mètres, verticale la piste, préparation de l'avion et il saute : plein réduit, volets moteur et huile fermés, je commence la descente et là ... surprise, je le vois descendre en faisant des figures et évoluant autour du Broussard ! C'était la première fois que je voyais ça au plus près des évolutions !

 Je me pose court en appontant - c'est à dire roulette de queue la première - et, en 60 mètres, je suis à l'arrêt. Il se pose à côté de moi, change de parachute et monte, accompagné du sergent-chef.

 Je remonte à 2000 mètres et pendant la montée, il m'explique :

« Tu vas mettre le frein parking que tu n'oublieras pas de desserrer pour l'atterrissage; je monterai sur la roue en me tenant au hauban d'aile, le copain s’assiéra sur le rebord au dessus du marche-pied et, à mon top, nous partirons, ça doit passer »!

Même préparation, mais je mets 30 degrés de volets au lieu de 15 et c'est parti. Effectivement, ça passe et pendant la descente, ce sont deux paras qui évoluent l'un par rapport à l'autre autour de l’avion.

Quel spectacle vu du sol car l'Adjudant avait prévenu qu'ils allaient inaugurer quelque chose avec le Broussard ! Et là aussi, 20 ans plus tard en août 1981, il m'a été demandé de refaire ce type de parachutage, mais à tois paras au lieu de deux à la grande surprise du chef des OPS de Cognac.

Deux vols exceptionnels également : 04 heures 10 de vol en direct Lamy-Faya Largeau et une montée à 4250 mètres pour des photos verticale base à Cognac en juillet 1981.

Hommage

Avant de décrire deux autres missions particulières, je ne peux m'empêcher de citer Jean-Claude BROUILLET pour deux raisons :

1 – Je pense qu'il a été le précurseur et l'initiateur des vols en Afrique sur terrains sommaires.

2 – Il avait comme pilote dans son équipe, puis dans sa compagnie AIR GABON, celui avec lequel j'ai découvert et appris le début du pilotage à Aulnat Clermont-Ferrand sur Stampe SV4C en avril/mai 1957: Robert CHAVARY.

 

L'authentique parcours d'un pilote de Broussard - Épisode 1

Bernard TIFFANEAU lors de l'assemblée générale de l'ASABBernard TIFFANEAU, membre de notre association depuis 2015, est un ancien pilote de Broussard de l'Armée de l'Air. Face à la longue carrière qu'il a vécue au sein de la prestigieuse institution, nous lui avons demandé de nous raconter ses vols en Broussard. À la manière d'un feuilleton, l'ASAB publie cette longue et belle histoire. Voici les trois premiers chapitres de cette extraordinaire aventure ! 


« Tu dois avoir pas mal des choses à nous raconter, toi qui as un bon nombre d'heures de vol sur Broussard en Afrique ! » me dit Blaise un jour.

I. L’Afrique occidentale en 1959

Avant de décrire quelques missions, il faut resituer l'époque : en 1959, les états

d'AOF et AEF (Afrique Occidentale et Equatoriale Française), deviennent indépendants mais ce ne sont pas encore des républiques. Pour administrer les personnels des administrations publiques -militaires compris- la France crée deux zones : ZOM 1 pour l'AOF à Dakar, ZOM 2 pour l'AEF à Brazzaville ; et la même année, l'Armée de l'Air met sur pied les GAMOM (groupements Aériens Mixtes d'Outre-Mer), avec des Dassault et des Broussard : au Tchad, ce sera le GAMOM 85.

Quand j'arrive à Fort-Lamy le 14 février 1961 (j'en repartirai le 22 février 1964), c'est vraiment le début d'utilisation opérationnelle de l'avion -Algérie et Afrique- j'ai adoré cet appareil INCREVABLE, mais attention, il faut bien le connaître car, en pleine charge, par conditions météo changeantes s'il y a du relief, il devient pointu à piloter; en simplifiant : décollage et atterrissage 65 kts, croisière 100 kts, ce qui donne une marge de vitesse à utiliser très faible.

Personnellement, je crois pouvoir dire que j'ai bien connu cet avion !

II. du T6 au BROUSSARD

En fin de stage d'orientation transport à Avord sur MD 312, je suis affecté à Reims sur Nord 2501; mais apprenant qu'il y a une place pour le Tchad, je suis partant si le Commandant de l'école est d'accord. Il me reçoit, me fait un beau discours « On a besoin de pilotes sur Nord-vous allez partir pour au moins deux ans-que fera-t-on de vous à votre retour... bon, c'est votre choix et bien... allez-y ». En dehors de ce stage de six mois fin 1961, je viens de voler pendant deux ans et demi (1958/59 et début 1961) sur T6, soit 750 heures de vol (école de pilotage à Marrakech et à la suite en Algérie).

En arrivant à Fort-Lamy, pensant n'y trouver que des  Dassault, je découvre le Broussard que je ne connais pas, mais c'est un monomoteur comme le T6, équipé du même moteur moins puissant.

A l'unité, il y a un pilote sous-lieutenant G... (ancien sous-officier) moniteur à Salon-de-Provence, qui est responsable de la transfo sur Broussard, car c'est une règle au GAMOM: la première année uniquement du Broussard, ensuite, les deux types de Dassault et le Broussard.

Après quelques jours pour apprendre l'avion au moyen de la notice, par les mécanos, petit test écrit et....ce sont les premières heures de vol sur la bête !

Bernard TIFFANEAU devant le Broussard de l'ASAB

III. Les premiers vols en BROUSSARD

    Neuf heures suffisent pour le lâcher en tour de piste puis, le sous-lieutenant me dit :

    « Va donc te perfectionner en dehors de la zone d'aérodrome, mais tu montes à 1000 m. »

    O.K. ! Par rapport au T6, que peut-on faire? Vol horizontal, tout réduit, vario à zéro et vers 45kts, l'avion s'enfonce en basculant du nez vers l'avant; manettes plein avant, action sur la profondeur, le vol horizontal revient : résultat entre 20 et 30 mètres de perdus. Autre configuration : plein pot, inclinaison à 60 degrés ou presque et virage de 180 degrés à droite puis à gauche, l'avion tient bien ; une petite dernière non prévue par le constructeur (il y a seulement deux limites dont il faut tenir compte: pas plus de cinq minutes plein pot décollage et 165 kts en vitesse max), régime de croisière, semi-piqué environ à 60 degrés et, lorsque la vitesse approche 165 kts, cabré à 60 degrés, manettes plein avant et amorce d'une figure bâtarde, moitié renversement, moitié retournement ; le nez tombe, plein réduit, action lente sur la profondeur, le nez remonte doucement et on revient au régime de croisière. Je recommence de l'autre côté et... ça suffit, je reviens à la base.

    En dehors des missions programmées, nous avions chaque mois, une séance libre sur le Broussard. Personnellement, je reproduisais ces évolutions qui m'ont bien aidé au Tchad et en France, non pas en elles-mêmes, mais par le ressenti des réactions de l'avion ; emmenant un mécano, j'allais survoler la réserve en face de Lamy, l'autre côté du Chari ou bien je faisais des exercices de percée au radio-compas.

     

    La suite au prochain épisode !


    Un matin pas ordinaire...

    19 octobre 2014 : un matin pas ordinaire.

    L’aviation est avant tout une école de respect : vis à vis des lois de la nature qui perturbent nos vols, de nos avions que nous caressons discrètement en signe de confiance avant de s’installer à bord, mais aussi à l’égard de nos aïeux qui sont toujours auréolés de leur passé...

    Il y a quelque temps, je suis contacté par une famille qui souhaite offrir un vol en Broussard au père qui fut pilote sur cet avion.

    Quelques mails et péripéties plus tard, le rendez-vous se concrétise.

    Alain et Bernard dans le hangardArrive dans le hangar de Prin, de bonne heure, un fringant octogénaire, flanqué de son blouson de pilote d’époque, accompagné de son épouse. Echanges, préparatifs, Alain bougonne en injectant l’hydraulique dans le circuit des freins : le visiteur n’est pas en ancien de l’ALAT.

    Hangar de Prin








    1 720 heures sur la bête, au Tchad et ailleurs dans l’Armée de l’Air nous annonce-t-il…

    Installation, mise en route, je fais le décollage et cède les commandes : frétillements sur le siège de droite.

    Je me contente d’assurer la radio avec Poitiers : tour de la ville, Chauvigny, vallée de la Vienne et retour.

    Je suspecte un instant une panne de l’altimètre tant l’aiguille reste figée sur 500 mètres. Le pilote n’a rien perdu de la précision du geste.

    Les commandes restent à droite pour l’atterrissage qui est quasiment parfait.

    Photos, café et une grande tape dans mon dos : j’ai réellement fait un heureux ... déjà les SMS fusent vers la famille...

    Je ressens discrètement moi aussi un bonheur diffus.

    Je me dis que c’est une belle aviation que celle là…

    Alain et Bernard

    Bernard TIFFANEAU en bref :

    Premières promotions d’apprentis mécaniciens de l’Armée de l’Air,

    Ecole de pilotage sur T6 à Marrakech - envoyé directement  sur le théâtre algérien – 250 missions de guerre.

    Expériences multiples sur DASSAULT 312 311 315,  DAKOTA,

    Trois années au Tchad sur Broussard

    Fin de carrière en 1984 avec 6 000 heures sur ses carnets de vol.

    Rencontre fortuite, avec cet authentique pilote de Brousse, l’ASAB dans sa deuxième vocation : unir des hommes.

    Alain Hugault

    Lucien, paysan aviateur

    « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure à l’obstacle. Mais pour l’atteindre il lui faut un outil. Il lui faut un rabot ou une charrue. Le paysan dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes. » Antoine de St Exupéry

    Depuis plus de trente années j’ai ces premières lignes de « Terre des hommes » en mémoire ; mais si le métier de pilote m’a aidé à mieux comprendre le monde, je ne voyais pas cette attache mythique avec la terre et ceux qui la travaillent.

    L’ULM m’a apporté cette réponse un jour où je maraudais en quête d’une jachère près d’une maison dont je connaissais le propriétaire : un agriculteur, ancien pilote privé. Les démarches requises réalisées, je me posais régulièrement chez Lucien et Françoise Latreille où l’accueil était toujours chaleureux. Puis n’aimant pas voler seul, Lucien a fait avec moi de nombreuses virées alentours, cherchant de nouvelles surfaces où me poser. Je suis rappelais les règles de pilotage, il m’apprenait la terre, et j’avais bien plus à découvrir que lui.  La terre, il a coutume de la saisir à poignée, de la sentir, de la pétrir, la regarder et il pourrait en parler des heures durant… « Nous, les paysans, nous pouvons en une semaine changer la couleur de la campagne ! » a-t-il coutume de dire … Observez donc amis pilotes l’or soudain et éphémère des colzas en avril, celui des tournesols en Août, et la terre qui brunit aux labours de septembre … J’ai appris les modes de culture, les contraintes de l’outillage moderne, l’enfoncement probable de nos roues après le passage de tel ou tel matériel, ou dans telle ou telle culture… les ornières d’épandage…. Je me suis intéressé au travail des cultivateurs, et ils se sont habitués à voir notre TETRAS rôder au dessus de leurs têtes et beaucoup d’entre eux m’ont autorisé à me poser sur leurs terres.

    Depuis lors il m’arrive d’atterrir quand je reconnais leur tracteur ou leur moissonneuse et nous sommes les uns et les autres fiers de ces rencontres. Quand Lucien m’accompagne, il me sert de visa permanent, il connaît tout le monde alentours. De cette complicité, s’est forgée une grande amitié, la vie nous avait privé chacun d’un frère, peut-être sommes nous devenus mutuellement des frères de substitution ?

    Amitié bien nécessaire quand le mauvais sort s’acharne…

    L’ULM allait être encore l’outil pour sortir d’une année bien difficile…  Reprendre le pilotage ? Acheter une machine à plusieurs ? créer un terrain privé près de la maison ? Quand l’horizon est sombre, seuls les projets nous sortent des idées noires.

    Une année de patience, de réflexion, d’échafaudages, de discussions, puis de concrétisation. Le terrain voit le jour après de laborieux palabres avec le voisin pour échanger les parcelles. L’idée d’acheter finalement seul une machine fait son chemin. Je contactai Jacques Humbert cet artisan de génie qui fait des merveilles dans sa vallée des Vosges.

    Une moto du ciel carénée pouvait être remise à neuf… moral en hausse, visite chez Humbert aviation. Coup de foudre pour la machine et réelle sympathie entre les deux hommes. Juillet 2007 : c’est la sortie d’usine, Jacques Humbert sort discrètement la moto du hangar avec les précautions d’une mère qui présente son bébé à la famille ! Grande fierté pour le constructeur, grande émotion pour Lucien et nous mêmes.

    Le convoyage vers le Poitou occupe deux jours pleins. Un équipage tournant avec Bernard Gauthier dont le camping car assure la logistique. Fabuleux souvenir pour tous que ce long voyage et l’arrivée sur le terrain qui attendait depuis si longtemps. Mobilisation générale au village. Le voisin concèdera un taxi-way dans sa luzerne pour accéder à l’ancienne serre à tabac dont les cotes étaient miraculeusement les bonnes pour l’oiseau magique. Soudeur et mécanicien confectionnent un système de rail et de chariot pour l’accès de la machine en position transversale. Un travail de professionnels, si bien que Lucien manœuvre désormais son ULM sans le moindre effort…

    Tout l’été 2007 fut consacré à la formation et à l’automne, notre homme se posait seul sur sa piste dont la configuration en effraie plus d’un. Depuis lors, il guette les matinées de beau temps pour s’envoler aussitôt. Prenant assez vite de l’assurance, il fréquente désormais les pistes les plus tordues du canton et notre association lui a décerné officiellement le « label BROUSSE » : le célèbre logo de l’ASAB sur l’empennage … La Classe !

    Alors si dans le sud de la Vienne, vous entendez le son caractéristique de la moto du ciel, sachez que c’est probablement Lucien « le paysan aviateur » qui laboure le ciel…Maintenant à la retraite, il a simplement changé d’outil …  Il fait du St Exupéry sans le savoir…

    Alain Hugault

    Itinéraire d'un authentique pilote de Brousse...

    ...ou la vie hors du commun de Jean-Jacques Béalu-Louvel.

    A Couhé, sur l’aérodrome, il fait partie du « paysage ». On le reconnaît à sa combinaison bleu-ciel, ornée de badges. Savez-vous que derrière cette façade d’homme tranquille se cache un vrai baroudeur ? …

    Il connaît une enfance sereine, ce n’est qu’à 23 ans qu’on lui révèle un secret de famille : Son père n’est pas celui qui l’a élevé et dont il porte le nom , Il est en fait le fils de Francis LOUVEL, résistant de la France libre, agent de renseignement, arrêté par la GESTAPO, et fusillé à Angoulême, où une place porte désormais son nom.

    Il garde lui même le secret jusqu’en 2005, où il le livre à son entourage.

    A 15 ans, il apprend à piloter, et à 19 ans sera appelé en Algérie comme pilote dans l’ALAT, sur CESSNA L 18 puis L 19. En fin de séjour, ses cinq cents heures d’opérations en territoire hostile lui valent la croix de la valeur militaire.

    S’enchaînent alors divers emplois : aux éditions Dunot qui publient des ouvrages techniques sur l’aviation ; il est instructeur à St Cyr L’Ecole, aux Mureaux. Il crée la boutique Aéro-Shopping à Paris, puis reprend l’instruction du pilotage à Brive la Gaillarde et à La Rochelle.

    Nous sommes en 1969, et, sur une annonce, il part au Quebec pour 4 mois, passe tous les examens théoriques et pratiques jusqu’à l’IFR. Mais les diplômes ne suffisent pas à ouvrir les portes des compagnies locales. Il vendra des casseroles, des livres, de l’immobilier ...

    Il reprend l’instruction en aéroclub, à St Hubert et au Lac St Jean. Il obtient une qualification sur DC3 et devient co-pilote à « St Félicien Air Service ».

    Chantal le rejoint et repasse elle même sa qualification d’infirmière « version canadienne ».

    Une compagnie un peu plus en vue lui fait appel : la « Northen Wings ». Un recrutement express : appel téléphonique, test en vol dès le lendemain après avoir traversé la moitié du Québec en voiture, co-pilote en ligne le jour même.

    Trois ans passent et Laetitia voit le jour ...

    Pluie verglassante, pistes sommaires, tempêtes de neige seront le lot presque quotidien de cette période.

    En 1976, il revient à La Rochelle où il monte une société de taxi « Auto Service ». L’appel de M. Riondel, président de l’aéroclub de Couhé , met un terme à l’aventure. Il devient Chef Pilote d’un club en effervescence qui comptera jusqu’à plus de 100 membres. L’esprit Brousse le titille encore , il initie le vol de nuit aux « Goose-Neck » (de simples lampes à pétrole). Allez-faire homologuer çà aujourd’hui !

    Le club connaît des difficultés à partir de 1985. Jean-Jacques vole en instructeur bénévole, tout en vendant des piscines ….

    En 1986, il part en Guyane, pilote sur CESSNA 206 au profit de la mine d’or de Paul Isnard … écoutez plutôt …


    CESSNA 206 en Guyane Française« La mine Paul Isnard appartient à deux frères français tourangeaux. Située sur l’axe St Laurent du Maroni / Maripasoula, elle représente un village d’une centaine de personnes (brésiliens, surinamiens, indiens de Guyane, quelques cadres métropolitains). Initié sur place par un pilote expérimenté, je me suis vu proposer des contrats de 3 puis 6 mois.  La piste était sommaire, en pente, parsemée d’ornières et de cailloux,, et faisait seulement 300 mètres de long. C’était une trace de latérite damée par le passage des camions de l’entreprise … En haut de la piste, un fromager, arbuste tropical de 70 mètres de haut , servait d’arrêtoir avant le vide ! Et tout autour : la forêt amazonienne, impénétrable.Mine d'or en Guyane Française


    Camp en Guyane FrançaiseSur place, la vie était rustique , mais, les cases bénéficiaient de groupes électrogènes, donc de réfrigérateurs et d’un confort minimal. Le CESSNA 206 était toujours en légère surcharge : passagers, vivres frais achetés au marché … On ne refuse pas les services à ceux qui sont loin de tout ! Ces vols de ravitaillement de la mine prenaient 40 minutes, là où presque 10 Heures de pirogue auraient été nécessaires … 40 minutes intenses en monomoteur au dessus de ce « Persil Menaçant » où aucune survie n’est possible en cas de crash ! Peu de repères dans cet océan de verdure : quelques mouvements de relief, un coude de rivière, mais surtout le cap et la montre ! et la météo de Guyane : chaleur étouffante, humidité oppressante, stratus au ras des arbres, orages, fronts pluvieux… Quand la piste est en vue, pas d’incertitude : on se pose toujours en montant, en rasant la cime des arbres.Mine d'or en Guyane Française

    Piste en Guyane FrançaiseLe décollage se fait en descente, immuable et toujours angoissant ! Pas de contact radio sauf avec la mine en HF, et puis l’arme, indispensable, surtout une fois par mois quand on transporte les lingots coulés sur place, vers le siège à St Laurent du Maroni. Adrénaline assurée … »

    A son retour, il intègre l’Ecole de pilotage d’Amaury de Lagrange pendant trois années, puis il donne dans la brocante tout en continuant à voler à Couhé, où il fait encore profiter les plus jeunes de sa longue expérience.


    Souhaitons bonne chance à ceux qui vont avoir en charge d’établir le montant de sa retraite, une longue traque aux justificatifs attend notre baroudeur … Mais une certitude : Naéma , qui vient de naître ces derniers jours pourra bientôt, le soir ,à écouter les longues histoires d’un grand père pas ordinaire.

    Alain Hugault

    Propos recueillis par Catherine Hugault

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