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Une histoire méconnue du Broussard

Vous connaissez l’histoire étonnante du Broussard et de son concepteur Max Holste ?... Non ?... Lisez donc ceci !

Le Broussard MH 1521 fut conçu par l’ingénieur Français Max Holste (1913-1998). Personnage inventif et passionné, Max Holste décide, à 26 ans, de concevoir des avions légers et des planeurs. La guerre 39-45 ne favorise guère ses ambitions et si quelques prototypes voient le jour, ce n’est que dans les années 50 que le projet d’un avion de brousse polyvalent se concrétise. Inspiré du Beaver canadien, le Broussard sera équipé du même moteur : le Pratt et Whitney R.985 de 450 CV, conçu dans les années 30 et produit à plus de 50000 exemplaires.

L’avion sera optimisé pour les pistes sommaires : train à lames, maintenance aisée, rusticité des systèmes, il vise l’immense territoire de nos colonies africaines, le Beaver, qui sera construit à 1631 exemplaires ayant déjà pris une large part du reste du marché mondial. L’Etat français sera le premier et principal client de Max Holste. L’appareil sera vendu à l’armée de l’air (289 ex), l’Aviation légère de l’Armée de terre (46 ex), et la Marine (3 ex).

Ces commandes massives gêneront indirectement le marché civil en raison des cadences de production limitées, en dépit d’un partage des tâches entre la SECA (Société d’étude et de construction aéronautique), la SIPA (Société industrielle pour l’Aéronautique) et la Société des Avions Max Holste. 45 modèles seront malgré tout vendus à l’étranger (Haute-Volta, Argentine, Gabon, Madagascar, Maroc et Portugal notamment). Le premier vol du Broussard eut lieu le 1er novembre 1952 et la production s’arrêtera en 1961 ; ce n’est qu’à partir de 1956 qu’il est déployé massivement en Algérie. Affectés aux escadrilles de liaison et d’observation, les Broussard ont pour mission le transport léger, la photographie aérienne, le marquage de cibles, les largages et parachutages, l’évacuation sanitaire et le PC volant.

Sur les 140 appareils engagés par l’Armée de l’Air en Algérie, 29 seront détruits, souvent à cause du peu d’expérience des pilotes sur la machine dans un environnement opérationnel difficile.

Parallèlement, le Broussard sera affecté sur nos bases d’Afrique occidentale et équatoriale, 37 appareils équiperont les groupes mixtes d’oute-mer (GAMOM) au Sénégal, Centrafrique, Congo, Mali, Tchad, Cameroun, Madagascar, Gabon… Ces avions ne quitteront le continent Africain que dans les années 1965, mais dès 1961, certains pays devenus indépendants bénéficieront de la cession par l’armée de l’Air d’un certain nombre d’appareils au profit de leurs forces aériennes naissantes. Parmi les bénéficiaires, le Maroc, le Cameroun, la République Centrafrique, le Congo, la Cote d’Ivoire, l’ex Dahomey, le Gabon, l’ex Haute-Volta, la Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo, mais aussi, la Compagnie Air Afrique. Au total, 92 avions seront cédés par la France à ce titre.

Et c’est ainsi que l’on trouve encore quelques Broussard aux couleurs tchadiennes et sénégalaises exposés à l’entrée des bases de N’DJAMENA et DAKAR YOFF notamment.

En métropole, ce n’est qu’à partir de 1961 que le Broussard est redéployé en nombre, dans les unités de liaison, les escadrons de chasse et dans quelques bases ou unités spécifiques. Certains appareils sont également mis à disposition de nos attachés de l’Air dans les ambassades de France (Venezuela, Tunisie, Algérie, Israël, Angleterre, Inde, Italie).

En 1964, la vente de 20 exemplaires militaires au profit du Service de la Formation aéronautique (SFA) qui les distribue aux centres de parachutisme, s’ajoute à l’attrition naturelle et ainsi en 1980 il ne subsiste que 75 Broussard en activité dans l’Armée de l’Air sur les 289 acquis initialement.

De son côté, l’ALAT reçoit ses premiers Broussard à partir de 1956 et dès 1957 les déploie en Algérie au sein de ses groupements aériens d’observation d’artillerie (GAOA). Quelques appareils seront affectés outre-mer, notamment en Mauritanie et à Madagascar. A l’issue du conflit algérien, les Broussard seront répartis en métropole au sein des unités territoriales, dans les forces de manœuvre ou dans les unités de matériel. Le 1er juillet 1993, a lieu, à Montauban, le dernier vol du Broussard dans l’ALAT qui a cumulé en quarante ans 190.000 heures de vol sur ses 46 avions.

La marine et la Direction des constructions de l’aéronautique navale feront l’acquisition de 3 machines, basées successivement à Fréjus, Cuers et Hyères. En 1993, le Broussard de la DCAN sera le dernier à voler en France à titre militaire.

En novembre 1987, l’arrêt brutal de l’activité du Broussard dans l’armée de l’air marquera le début d’une grande braderie. Les appareils sont cédés pour être exposés en statique, d’autres rachetés par des collectionneurs. Quelques transactions plus tard, et les effets désastreux de la réglementation nationale pour l’aviation de collection ayant fait leur œuvre, on peut compter sur les doigts les Broussard volant encore dans le ciel français. Plus nombreux sont ceux volant aux Etats Unis !!!

Le n° 180 qui est exposé a commencé sa carrière dans l’armée de l’air en Algérie à Oued Hamimine ; il a été affecté ensuite à Friedrichschaffen puis à Metz pour finir à Villacoublay.

Quant à Max Holste, après le relatif succès du Broussard, il conçut le Super Broussard (N260), précurseur du N262 développé par Nord Aviation. CESSNA, devint actionnaire majoritaire dans l’usine des avions Max Holste qui s’appela dès lors REIMS AVIATION.

Max Holste tenta une aventure au Maroc, sans suites sérieuses et, c’est au Brésil qu’il fut le fondateur de ce qui est devenu depuis la célèbre Société EMBRAER, fleuron de l’industrie aéronautique nationale. Il s’est éteint en 1998 dans le plus grand anonymat…

Alain Hugault


D’après "Broussard MH 1521" de Thierry Gibaud. Editions ETAI. 2003.