L'authentique parcours d'un pilote de Broussard - Épisode 1

Bernard TIFFANEAU lors de l'assemblée générale de l'ASABBernard TIFFANEAU, membre de notre association depuis 2015, est un ancien pilote de Broussard de l'Armée de l'Air. Face à la longue carrière qu'il a vécue au sein de la prestigieuse institution, nous lui avons demandé de nous raconter ses vols en Broussard. À la manière d'un feuilleton, l'ASAB publie cette longue et belle histoire. Voici les trois premiers chapitres de cette extraordinaire aventure ! 


« Tu dois avoir pas mal des choses à nous raconter, toi qui as un bon nombre d'heures de vol sur Broussard en Afrique ! » me dit Blaise un jour.

I. L’Afrique occidentale en 1959

Avant de décrire quelques missions, il faut resituer l'époque : en 1959, les états

d'AOF et AEF (Afrique Occidentale et Equatoriale Française), deviennent indépendants mais ce ne sont pas encore des républiques. Pour administrer les personnels des administrations publiques -militaires compris- la France crée deux zones : ZOM 1 pour l'AOF à Dakar, ZOM 2 pour l'AEF à Brazzaville ; et la même année, l'Armée de l'Air met sur pied les GAMOM (groupements Aériens Mixtes d'Outre-Mer), avec des Dassault et des Broussard : au Tchad, ce sera le GAMOM 85.

Quand j'arrive à Fort-Lamy le 14 février 1961 (j'en repartirai le 22 février 1964), c'est vraiment le début d'utilisation opérationnelle de l'avion -Algérie et Afrique- j'ai adoré cet appareil INCREVABLE, mais attention, il faut bien le connaître car, en pleine charge, par conditions météo changeantes s'il y a du relief, il devient pointu à piloter; en simplifiant : décollage et atterrissage 65 kts, croisière 100 kts, ce qui donne une marge de vitesse à utiliser très faible.

Personnellement, je crois pouvoir dire que j'ai bien connu cet avion !

II. du T6 au BROUSSARD

En fin de stage d'orientation transport à Avord sur MD 312, je suis affecté à Reims sur Nord 2501; mais apprenant qu'il y a une place pour le Tchad, je suis partant si le Commandant de l'école est d'accord. Il me reçoit, me fait un beau discours « On a besoin de pilotes sur Nord-vous allez partir pour au moins deux ans-que fera-t-on de vous à votre retour... bon, c'est votre choix et bien... allez-y ». En dehors de ce stage de six mois fin 1961, je viens de voler pendant deux ans et demi (1958/59 et début 1961) sur T6, soit 750 heures de vol (école de pilotage à Marrakech et à la suite en Algérie).

En arrivant à Fort-Lamy, pensant n'y trouver que des  Dassault, je découvre le Broussard que je ne connais pas, mais c'est un monomoteur comme le T6, équipé du même moteur moins puissant.

A l'unité, il y a un pilote sous-lieutenant G... (ancien sous-officier) moniteur à Salon-de-Provence, qui est responsable de la transfo sur Broussard, car c'est une règle au GAMOM: la première année uniquement du Broussard, ensuite, les deux types de Dassault et le Broussard.

Après quelques jours pour apprendre l'avion au moyen de la notice, par les mécanos, petit test écrit et....ce sont les premières heures de vol sur la bête !

Bernard TIFFANEAU devant le Broussard de l'ASAB

III. Les premiers vols en BROUSSARD

    Neuf heures suffisent pour le lâcher en tour de piste puis, le sous-lieutenant me dit :

    « Va donc te perfectionner en dehors de la zone d'aérodrome, mais tu montes à 1000 m. »

    O.K. ! Par rapport au T6, que peut-on faire? Vol horizontal, tout réduit, vario à zéro et vers 45kts, l'avion s'enfonce en basculant du nez vers l'avant; manettes plein avant, action sur la profondeur, le vol horizontal revient : résultat entre 20 et 30 mètres de perdus. Autre configuration : plein pot, inclinaison à 60 degrés ou presque et virage de 180 degrés à droite puis à gauche, l'avion tient bien ; une petite dernière non prévue par le constructeur (il y a seulement deux limites dont il faut tenir compte: pas plus de cinq minutes plein pot décollage et 165 kts en vitesse max), régime de croisière, semi-piqué environ à 60 degrés et, lorsque la vitesse approche 165 kts, cabré à 60 degrés, manettes plein avant et amorce d'une figure bâtarde, moitié renversement, moitié retournement ; le nez tombe, plein réduit, action lente sur la profondeur, le nez remonte doucement et on revient au régime de croisière. Je recommence de l'autre côté et... ça suffit, je reviens à la base.

    En dehors des missions programmées, nous avions chaque mois, une séance libre sur le Broussard. Personnellement, je reproduisais ces évolutions qui m'ont bien aidé au Tchad et en France, non pas en elles-mêmes, mais par le ressenti des réactions de l'avion ; emmenant un mécano, j'allais survoler la réserve en face de Lamy, l'autre côté du Chari ou bien je faisais des exercices de percée au radio-compas.

     

    La suite au prochain épisode !